Les p'tites anecdotes de La plume : La poooorte !
Dernière mise à jour : 3 sept. 2021
C'est l'automne. Le froid est de retour.
Et le phénomène de "la porte" me revient en mémoire au fil des courants d'air glacés qui soufflent le long de mon dos.
"La porte !" me répétait ma mère lorsque je négligeais de fermer derrière moi celle qui séparait l'entrée de la salle à manger.
Adolescente, je restais hermétique au flot ininterrompu de paroles au sujet du coût du chauffage.
Jusqu'au jour où ma mère, fatiguée de le répéter sans cesse les mêmes mots, en a eu assez.
Elle m'a arrêtée alors que je venais une nouvelle fois de passer d'une pièce à l'autre sans refermer la porte derrière moi.
Elle m'a alors dit doucement qu'elle m'avait suffisamment expliqué qu'il était important de fermer les portes, et pour quelles raisons.
J'ai à nouveau protesté que j'étais innocente et qu'on m'accusait injustement.
Elle m'a alors proposé un marché : elle ne me dirait plus rien. Plus un mot à ce sujet.
Mais, en contrepartie, chaque porte laissée ouverte serait comptabilisée discrètement par ses soins.
Et en fin de mois, un franc serait décompté de mon argent de poche pour chaque oubli.
J'ai accepté le contrat avec assurance, sûre de moi, pas de problème. J'étais innocente comme l'agneau qui vient de naître et ne m'inquiétais absolument pas.
Mon "dimanche" (qui en réalité m'était octroyé au mois) n'avait rien à craindre.
Et les jours se sont écoulés tranquillement sans que je ne reçoive plus de remontrances. J'étais tranquille, les portes étaient fermées (ou pas !), tout allait bien.
Arrive enfin le premier jour du mois suivant, et mon argent de poche.
A l'époque, le montant de ma dringuelle, si je me souviens bien, était de cinquante francs (l'équivalent aujourd'hui de 13 euros).
J'ai alors tendu la main avec assurance. Je m'attendais à recevoir un joli "Quentin de la Tour", billet de 50 francs de l’époque.
Mais à la place, ma mère, patiemment, m'a donné très exactement 13 pièces de 1 franc. Faisant tomber les pièces une à une dans ma main, en les comptant à voix haute.
Je l'ai regardée d'un air dépité et surpris, en lui demandant "ben, et le reste ?".
Bien sûr, j'avais totalement oublié l'histoire de la porte !
C'est alors que ma génitrice souriante, triomphante devrais-je dire, m'a rappelé, en prenant des airs faustiens, le pacte que j'avais accepté sans sourciller.
Ma mère avait effectivement compté, en un mois, que j'avais laissé 37 fois la porte ouverte derrière moi et n'avait pas dit un mot pour me rappeler à l'ordre.
Comme convenu.
Et elle avait soustrait un franc de mon pécule mensuel pour chaque oubli.
Comme convenu.
J'étais tellement sous le choc que j'ai à peine protesté (prise à mon propre piège).
J'aime autant vous dire que le stratagème a été d'une redoutable efficacité.
Dès le lendemain, plus une seule porte n'a été laissée ouverte, et maintenant, c'est moi qui râle quand il y a des courants d'air !